Page:Stendhal - Racine et Shakespeare.djvu/415

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
378
RACINE ET SHAKSPEARE

par cœur quatre mille vers de Racine et quinze cents de Delille. Il s’essaye pendant quelques années, il fait sa cour aux journaux, il devient maigre et envieux, et enfin, au bout de cinq a six ans, il est poëte ; c’est-à-dire qu’il fait des vers assez bien en apparence. On ne saurait qu’y reprendre ; seulement, nos idées perdent de leur coloris au bout de trente vers ; après cent vers l’on s’efforce de tenir les yeux ouverts, et vers deux cents on cesse d’entendre. Le malheureux n’en est pas moins poëte ; s’il intrigue, il aura des succès, et le voilà dévoué à l’envie et au malheur pour le reste de sa vie. On m’a assuré que l’on compte trois mille cinq cents poètes parmi les jeunes gens vivant à Paris.


X. — Lettre de M. de Lamartine à M. de Mareste.
À Paris.
Paris, le 19 mars 1823.

« J’ai lu avec le plus grand plaisir l’ouvrage de M. Beyle. Il a dit le mot que nous avions tous sur la langue ; il a rendu clair et palpable ce qui n’était qu’une perception confuse de tous les esprits justes. Il est à désirer qu’il étende davantage ses idées,