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LE RIRE

point qu’elles voient le bonheur partout ?

Voyez cet Anglais morose qui vient déjeuner chez Tortoni, et y lit d’un air ennuyé, et à l’aide d’un lorgnon, de grosses lettres qu’il reçoit de Liverpool, et qui lui apportent des remises pour cent vingt mille francs ; ce n’est que la moitié de son revenu annuel ; mais il ne rit de rien : c’est que rien au monde n’est capable de lui procurer la vue du bonheur, pas même sa place de vice-président d’une société biblique.

Regnard est d’un génie bien inférieur à Molière ; mais j’oserai dire qu’il a marché dans le sentier de la véritable comédie.

Notre qualité d’hommes de collège en littérature, fait qu’en voyant ses comédies, au lieu de nous livrer à sa gaieté vraiment folle, nous pensons uniquement aux arrêts terribles qui le jettent au second rang. Si nous ne savions pas par cœur les textes mêmes de ces arrêts sévères, nous tremblerions pour notre réputation d’hommes d’esprit.

Est-ce là, de bonne foi, la disposition où il faut être pour rire ?

Quant à Molière et à ses pièces, que me fait à moi l’imitation plus ou moins heureuse du bon ton de la cour et de l’impertinence des marquis ?