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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, II, 1928, éd. Martineau.djvu/64

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ROMANS ET NOUVELLES

Il s’aperçut qu’elle était en chemise ; malgré la profonde obscurité de la nuit, à deux heures du matin qu’il pouvait être alors, il crut entrevoir de longs cheveux dénoués : c’était donc une femme. Cette découverte ne lui plut nullement.

Elle paraissait hors d’état de marcher sans aide. Liéven eut besoin de songer aux devoirs prescrits par l’humanité pour ne pas l’abandonner.

Il voyait l’ennui de paraître le lendemain devant un commissaire de police, les plaisanteries de ses camarades, les récits satiriques des journaux du pays.

— Je vais la placer contre la porte d’une maison, se dit-il ; je sonnerai et je m’en irai bien vite.

C’est ce qu’il cherchait à faire, lorsqu’il entendit cette femme se plaindre en espagnol. Il ne savait pas un mot d’espagnol. Ce fut peut-être pour cela que deux mots fort simples que prononça Léonor le jetèrent dans les idées les plus romanesques. Il ne vit plus un commissaire de police et une fille battue par des ivrognes ; son imagination se perdit dans des idées d’amour et d’aventures singulières.

Liéven avait relevé cette femme, il lui adressait des paroles de consolation.

— Mais si elle était laide ! se dit-il.