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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, II, 1928, éd. Martineau.djvu/84

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ROMANS ET NOUVELLES

déserté la maison du meilleur des maris, et, monsieur, en le volant, moi qui n’ai rien apporté en dot qu’un cœur infidèle. J’ai emporté des diamants qu’il m’avait donnés, j’ai pris dans sa caisse trois ou quatre rouleaux de cinq cents francs, parce que je pensais qu’à Bordeaux Mayral serait suspect s’il voulait vendre des diamants… »

À cet endroit de son récit, dona Léonor rougit beaucoup. Liéven était pâle et désespéré. Chacune des paroles de Léonor lui perçait le cœur, et cependant, par une affreuse perversité de son caractère, chacune de ces paroles redoublait l’amour qui l’enflammait.

Hors de lui, il prit la main de doña Léonor, qui ne la retira pas.

— Quelle bassesse à moi, se dit Liéven, de jouir de cette main, tandis qu’ouvertement Léonor me parle de son amour pour un autre ! C’est par mépris ou distraction qu’elle me la laisse, et je suis le moins délicat des hommes.

— Lundi dernier, monsieur, continua Léonor, il y a quatre jours, vers les deux heures du matin, après avoir eu la lâcheté d’endormir, avec du laudanum, mon mari et le portier, je me suis enfuie ; je suis venue frapper à la porte de la maison d’où, cette nuit, au moment où vous pas-