Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/129

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Barot vinrent me rejoindre à Londres ; peut-être Lussinge y était-il venu avec moi.

J’ai un talent malheureux pour communiquer mes goûts ; souvent, en parlant de mes maîtresses à mes amis, je les ai rendus amoureux, ou, ce qui est bien pis, j’ai rendu ma maîtresse amoureuse de l’ami que j’aimais réellement. C’est ce qui m’est arrivé pour Mme Azur et Mérimée. J’en fus au désespoir pendant quatre jours. Le désespoir diminuant, j’allai prier Mérimée d’épargner ma douleur pendant quinze jours. — Quinze mois, me répondit-il, je n’ai aucun goût pour elle. J’ai vu ses bas plissés sur sa jambe (en garaude, français de Grenoble).

Barot qui fait les choses avec règle et raison, comme un négociant, nous engagea à prendre un valet de place. C’était un petit fat anglais. Je les méprise plus que les autres ; la mode chez eux n’est pas un plaisir, mais un devoir sérieux, auquel il ne faut pas manquer. J’avais du bon sens pour tout ce qui n’avait pas rapport à certains souvenirs, je sentis sur-le-champ le ridicule des quarante-huit heures de travail de l’ouvrier anglais. Le pauvre Italien, tout déguenillé, est bien plus près du bonheur. Il a le temps de faire l’amour, il se livre quatre-vingts ou cent jours par