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l’empereur) le fit nommer sous-lieutenant au 6e régiment de dragons, en mai 1800. Il servit quelque temps, comme simple dragon. Il devint amoureux de Mme  A. (Angela Pietragrua.)

Il passait son temps à Milan. Ce fut le plus beau temps de sa vie, il adorait la musique, la gloire littéraire, et estimait fort l’art de donner un bon coup de sabre. Il fut blessé au pied d’un coup de pointe dans un duel. Il fut aide-de-camp du lieutenant-général Michaud ; il se distingua, il a un beau certificat de ce général (entre les mains de M. Colomb, ami intime dudit). Il était le plus heureux et probablement le plus fou des hommes, lorsque, à la paix, le ministre de la guerre ordonna que tous les aides de camp sous-lieutenants rentreraient à leur corps. Beyle rejoignit le 6e régiment à Savigliano en Piémont. Il fut malade d’ennui, puis blessé, obtint un congé, vint à Grenoble, fut amoureux, et, sans rien dire au ministre, suivit à Paris Mlle  V… qu’il aimait. Le ministre se fâcha, B… donna sa démission, ce qui le brouilla avec M. Daru. Son père voulut le prendre par la famine.

B…, plus fou que jamais, se mit à étudier pour devenir un grand homme. Il voyait une fois tous les quinze jours Mme  A…, le reste du temps, il vivait seul.