Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/99

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les pays étrangers, on peut avoir des pensées ingénieuses, on ne sait faire un livre qu’en France. » Oui, si le seul but d’un livre est de faire comprendre une idée ; non, s’il espère en même temps faire sentir, donner quelque nuance d’émotion.

La règle française n’est bonne que pour un livre d’histoire, par exemple l’Histoire de la Régence, de M. Lemontey, dont j’admire le style vraiment académique. La préface de M. Lemontey (avare, que j’ai beaucoup connu chez M. le comte Beugnot), peut passer pour un modèle de ce style académique.

Je plairais presque sûrement aux sots, si je prenais la peine d’arranger ainsi quelques morceaux du présent bavardage. Mais peut-être, écrivant ceci comme une lettre, à trente pages par séance, à mon insu, je fais ressemblant.

Or, avant tout, je veux être vrai. Quel miracle ce serait dans ce siècle de comédie, dans une société dont les trois quarts des acteurs sont des charlatans aussi effrontés que M. Magendie ou M. le comte Regnault de Saint-Jean-d’Angély, ou M. le baron Gérard !

Un des caractères du siècle de la Révolution (1789-1832), c’est qu’il n’y ait point de grand succès sans un certain degré d’impudeur et même de charlatanisme