Montaigne et J.-J. Rousseau, dont bientôt l’emphase m’offensa. Là se forma mon caractère. Je lisais beaucoup aussi les tragédies d’Alfieri, m’efforçant d’y trouver du plaisir, je vénérais Cabanis, Tracy et J.-B. Say, je lisais souvent Cabanis, dont le style vague me désolait. Je vivais solitaire et fou comme un Espagnol, à mille lieues de la vie réelle. Le bon père Jeki, Irlandais, me donnait des leçons d’anglais, mais je ne faisais aucun progrès, j’étais fou d’Hamlet.
Mais je me laisse emporter, je m’égare, je serai inintelligible si je ne suis pas l’ordre des temps, et d’ailleurs les circonstances ne me reviendront pas si bien.
Donc, à Wagram, en 1809, je n’étais pas militaire, mais au contraire adjoint aux commissaires des Guerres, place où mon cousin, M. Daru, m’avait mis pour me retirer du vice, suivant le style de ma famille. Car ma solitude de la rue d’Angiviller avait fini par vivre une année à Marseille avec une actrice charmante* qui avait les sentiments les plus élevés et à laquelle je n’ai jamais donné un sou.
D’abord, par la grandissime raison que mon père me donnait toujours cent cinquante francs par mois sur lesquels il fallait vivre, et cette pension était fort mal payée à Marseille, en 1805.
Mais je m’égare encore. En octobre 1806, après Iéna, je fus adjoint aux commissaires des Guerres, place honnie par les soldats ; en 1810, le 3 août,