Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/115

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que, à l’archevêché, on éleva des doutes sur la validité de mon baptême protestant, et que cette bonne catholique aima mieux risquer de perdre mon âme que de me laisser rebaptiser, comme on l’en pressait. « On nous prendrait pour des Juifs, » répétait-elle invariablement à l’abbé Rougeot ou aux vicaires qui venaient, envoyés par Monseigneur. Elle s’y opiniâtra si bien qu’il fallut céder, et que, dans l’incertitude où je serai toujours, de l’intention[1] du pasteur luthérien à qui je dois le baptême, je ne saurais avoir non plus nulle assurance en mon droit au salut, selon l’orthodoxie catholique.

L’abbé Rougeot était un bon vieux prêtre, modeste, tranquille, indulgent, peu lettré, peu théologien, point du tout casuiste. Il me fît consciencieusement apprendre par cœur mon catéchisme, sans provoquer de ma part une réflexion, sans m’inciter à penser quoi que ce fût à propos des dogmes ou de la doctrine. Tout ce que je puis me rappeler de son enseignement, c’est qu’un jour, prétendant apparemment me faire comprendre ce que c’était que la pudeur : « La pudeur, ma chère enfant, me dit-il en baissant la voix, c’est un miroir que le moindre souffle ternit. » Tout le reste était de cette force. Il n’y a pas lieu,

  1. On sait que, pour admettre la validité du baptême protestant, le clergé catholique suppose que l’intention du pasteur a été de rester uni à la foi de la grande Église universelle.