Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/119

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comme tout le reste de sa personne, à la suprême bienséance dont il s’était constitué le représentant. Quand M. Abraham ressentait la moindre fatigue et craignait de laisser voir en lui la condition mortelle, il se faisait suppléer par une nièce, madame Coindet, tout imprégnée, elle aussi, d’une solennité risible et qui m’inspirait, quand elle tirait avec lenteur, de dessous sa robe, son affreux petit crin-crin de poche, une irrésistible tentation de moquerie. La leçon de danse en elle-même, d’ailleurs, m’était insupportable. Mon naturel se révoltait contre ces grâces apprises, et le premier mensonge dont je dois m’accuser, — je feignis de m’être foulé le pied — me fut suggéré par le désir d’échapper aux démonstrations de beau maintien et de belles manières que me faisaient, pochette en main, le majestueux Abraham ou sa majestueuse nièce.

Quant à la leçon d’armes, que l’on peut s’étonner de rencontrer dans l’éducation d’une jeune demoiselle, c’était une autre préparation à ce bon maintien dont la noblesse de cour se préoccupait encore, à cette époque, au-dessus de tout. C’était un supplément à la leçon de danse, qui se donnait, dans les éducations très-soignées, aux jeunes filles délicates de corps dont on voulait développer la force physique. Une femme, mademoiselle Donnadieu, la nièce, du moins elle le disait, du fameux général de ce nom si cher aux ultras,