Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/230

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Après que l’entretien des dames avait amené les choses à un certain point de maturité, la négociation passait aux mains des hommes. Notaires et avoués, mis en présence, se communiquaient les papiers. On tâchait bien encore de jouer au fin, en mariage, comme en chevaux, l’honneur n’obligeant pas; cependant, dans les études tout prenait corps: chiffres réels, hypothèques, actes de naissance, contrats de vente ou d’achat, testaments, etc. Il n’y avait plus trop moyen de tricher. Désappointement réciproque ; hésitations, reculades ; rupture quelquefois ; mais les dames r’arrangeaient tout, elles se compromettaient entre elles, elles s’engageaient de parole. Quelque petit avantage, tenu en réserve par la prévoyance des parents d’un ou d’autre côté, mettait fin aux difficultés. Un projet de contrat s’ébauchait. C’est à ce moment d’ordinaire que se proposait l’entrevue.

L’entrevue de la demoiselle à marier avec son futur époux était le point délicat des préliminaires du mariage. Jusque-là, la jeune fille ignorait, ou du moins elle était censée ignorer tout ce qui s’était dit ou fait à son occasion. On avait cette délicatesse de la vouloir étrangère à toute discussion de chiffres. Mais dans l’entrevue la fiction cessait, le rideau se levait, la jeune fille entrait en scène. Elle était regardée, elle regardait, quelquefois même elle parlait, ou on lui parlait; on pouvait lui plaire ou lui déplaire : elle