Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/234

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une fortune considérable, une alliance profitable.

Et ainsi se consomment ces tristes mariages sans amour et sans vertu, ces marchés cyniques auxquels la noblesse française a donné le nom de mariages de convenance, ces unions indissolubles où nulle sym- pathie ni de l’âme, ni de l’esprit, ni des sens, n’est consultée, et auxquelles, si l’on y regardait de près, il ne faudrait peut-être pas attribuer une médiocre part dans l’appauvrissement des anciennes races et dans la décadence des mœurs. Les familles travaillent elles-mêmes à leur ruine. Elles introduisent la mort aux sources de la vie ! — Mais quittons ces réflexions trop graves et revenons aux apprêts des noces.

Nous en étions restés à l’entrevue. Elle se faisait, selon la saison où la circonstance, à l’église ou à la promenade, au salon[1] ou dans une soirée intime. Ce dernier mode étant le plus embarrassant et le plus compromettant, la mère de la jeune fille ne l’acceptait pas volontiers. L’échange de quelques regards dans une allée des Tuileries ou des Champs-Elysées, la rencontre devant un même tableau au salon carré du Louvre, un salut sur les marches de l’Assomption ou de Saint-Thomas-d’Aquin, semblaient assez.

Puis on brusquait les choses. Il ne faut pas qu’un projet de mariage, une fois ébruité, traîne en longueur ;

  1. On appelait ainsi l’exposition des beaux-arts dans les galeries du Louvre.