Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/294

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fidèle en amitié, capable des plus grands sacrifices, charitable sans mesure et sans fin ; malgré tant de vertus, Marie-Thérèse ne sut pas se rendre aimable ; elle ne fut point aimée des Français, comme elle eût mérité de l’être. La France, qu’elle chérissait avec une tendresse douloureuse, ne lui pardonna jamais d’être triste. Ni son mari, qui se pliait à sa supériorité, ni le roi son oncle, ni le roi son beau-père qui lui rendaient hommage, ni les serviteurs dévoués qui l’admiraient, ne pénétrèrent, je le crois, le secret passionné de cette âme héroïque. La maternité lui manqua. Elle vécut et mourut connue de Dieu seul.

Lorsque, à l’issue de la réception chez le roi, je fus présentée au Dauphin, que je n’avais jamais vu que de loin, mon étonnement fut extrême. Le contraste était brusque. En passant de la solennité, des grandes attitudes d’une cour nombreuse et brillante, on se trouvait, tout d’un coup, de biais, au détour d’une porte, en présence d’un petit homme presque seul, chétif, grêle et laid, embarrassé, contracté, agité d’un tic nerveux, qui clignotait, grimaçait des lèvres et des doigts, faisait effort pour parler, pour rester en place. Ce petit homme était le héros du Trocadéro, Son Altesse Royale monseigneur le Dauphin, fils aîné du roi Charles X, grand amiral de France. Il avait alorsquarante-neufans, mais on n’aurait su quel âge lui donner, tant, par sa physionomie ingrate, par le trouble