Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/297

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voir, tant ils étaient mignons et bien faits. Et puis : « bonté, douceur, esprit, gaieté »[1], elle portait tout cela sur son visage candide. Malgré la timidité qui la faisait rougir et balbutier à propos de rien, on sentait qu’elle désirait plaire, et on désirait de lui plaire.

Je viens de dire qu’elle était timide. On peut se figurer par quelles épreuves la pauvre princesse avait dû passer en venant seule, à dix-sept ans, trouver un mari inconnu qui approchait de la quarantaine[2] ; un vieil oncle toujours assis, toujours auguste, surtout en famille ; une belle-sœur et un beau-frère qui, n’ayant connu ni les joies de l’enfance ni les joies de la maternité, ne pouvaient, quoi qu’ils fissent, ni deviner, ni excuser, encore moins chérir les ignorances, les inadvertances, les inconséquences sans nombre d’une enfant qui ne se connaissait pas elle-même. Ses familiarités italiennes aux prises avec l’étiquette française et l’austérité de la duchesse d’Angoulême amenaient les conflits les plus drôles. On contait en ce temps-là mille traits d’ingénuité de la pauvre Caroline, mille espiègleries de son mari, mille malices du roi, qui la jetaient toute en confusion et divertissaient la cour. On savait que les dames de la Dauphine s’offus-

  1. Chateaubriand. Lettre du duc de Berry à Marie-Caroline.
  2. « Je suis toujours effrayé de mes trente-huit ans, lui écrivait le duc de Berry ; je sais qu’à dix-sept ans, je trouvais ceux qui approchaient de la quarantaine bien vieux. » 31 mai 1816.

    Chateaubriand. Mémoire sur le duc de Berry.