Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/326

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beau de Charlemagne[1], au sacre de Charles X, au cap Misène, au Panthéon, au Capitole ; partout enfin, comme elle le faisait dire aux panégyristes, innocente et charmante, jouant avec la gloire ! Chose étrange, toute cette gloriole, toute cette piaffe de Pégase, autour de l’enfant, ne servit qu’à la faire paraître, par contraste, plus sérieuse et plus modeste. Jamais je n’oublierai limpression qu’elle fit sur moi la première fois que je la vis. C’était pendant l’hiver de l’année 1826. Ma mère donnait dans son appartement de la place Vendôme des soirées de musique. J’avais déjà, moi aussi, ma petite gloriole : un talent de piano qui, au faubourg Saint-Germain, passait pour extraordinaire. La première fois que je me fis entendre chez les Montmorency, la duchesse s’écria : « Elle joue mieux que la baronne ! » Mieux que la baronne, c’était un brevet d’excellence après quoi il n’y avait plus qu’à tirer l’échelle. Cependant je n’en étais pas là encore. J’étudiais sérieusement ; je venais de prendre des leçons de Hummel ; je jouais son fameux septuor avec une certaine virtuosité relative, comme on peut croire : virtuosité d’amateur et de noble demoiselle, mais qui, telle quelle, avec ma jeunesse,

  1. Delphine Gay, née à Aix-la-Chapelle, sur la paroisse de Notre-Dame, fut en conséquence portée aux fonts baptismaux dans l’église impériale. De là cette interprétation pompeuse, suggérée aux journalistes, qui faisait baptiser la Muse de la patrie sur le tombeau de Charlemagne.