Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/360

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous fâchait pas beaucoup, et nous prenions même quelque plaisir à ce qui nous semblait effet d’envie.

Entre les maîtresses de maison qui se permettaient ces nouveautés, j’étais, peut-être, la plus hardie ; j’étais à coup sûr la plus spontanée. Les circonstances qui me donnaient dans le voisinage de Paris une belle habitation favorisaient pour moi la formation d’un salon, en me permettant de ne pas interrompre l’été les fréquentations de l’hiver. Le château de Croissy, que nous venions d’acheter au prince de la Trémoïlle, n’était distant de Paris que de six lieues et sur une grande route. Il avait été bâti par Colbert dans les campagnes un peu tristes, mais très-opulentes, de la Brie. C’était une demeure seigneuriale, disposée pour y recevoir grande compagnie. Le principal corps de logis, très-long, flanqué de quatre tourelles en briques, était en touré de larges fossés, autrefois remplis d’eau, à cette heure revêtus de lierre, semés de gazon, habités d’un troupeau de daims qui servait à nos récréations, étant fort apprivoisés et dociles à la voix. La distribution intérieure du château se ressentait des habitudes du siècle où il avait été construit. Il y restait des magnificences de Colbert de beaux vestiges. Sa couleuvre s’y voyait partout sculptée. On entrait, par un pont en pierres de taille, dans un vestibule à six fenêtres, orné de tableaux et d’autres objets d’art. Du vestibule on passait dans la salle de billard, dont les belles boiseries étaient déco-