Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/364

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Cette lecture malheureuse me mit à l’avenir fort en garde ; mais, pas plus que le médiocre succès de la comédie à Croissy, elle ne porta préjudice à l’opinion qu’on se faisait de moi et de mon salon.

C’est ici peut-être le lieu de dire quelle était cette opinion.

Dès mon entrée dans le monde, on m’y avait fait une réputation d’esprit. Il fallait qu’on en eût bien bonne envie, car, autant que je puis croire, mon esprit ne se montrait guère dans la conversation. Je n’ai jamais eu ni verve, ni trait, ni saillies, ni reparties, ni même, à tout prendre, un très-grand souci de ce que je puis dire. On ne pouvait pas citer de moi le moindre mot. En revanche, j’écrivais passablement les lettres. La vicomtesse d’Agoult, la première, s’en était aperçue. Pendant une excursion que je fis dans le midi, aussitôt après mon mariage, elle s’était enchantée de ma correspondance ; elle en avait lu des passages à sa princesse. On le savait. Il n’en avait pas fallu plus pour me mettre en renom de Sévigné. On célébra sur ouï-dire mes descriptions, mes morceaux : le Pont du Gard, la Maison-Carrée, les Aliscamps, le château de Montélier, bâti par la fée Mélusine, le château de la Vache, au comte de Maccarthy, une fête qui m’avait été donnée par l’amiral la Susse, à bord du Conquérant, en rade de Toulon. Voyant cela, la duchesse de Rauzan, qui était un peu chercheuse d’esprit et qui tenait à re-