Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/365

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nouveler son salon, m’attira chez elle. Comme je lui trouvais, sous ses affectations, un mérite vrai et solide, je répondis à ses empressements. Nous allâmes beaucoup ensemble dans le monde. Elle y confirma ma réputation d’esprit. Cela lui convenait et ne me disconvenait pas. Bientôt il fut entendu que j’étais une femme supérieure, et que je devais avoir un salon. En dépit des qualités et des défauts qui, chez moi, ne s’accordaient guère à ce rôle, on s’obstina à m’y faire entrer. On s’y est obstiné constamment partout. En tous temps, en tous pays, en toutes circonstances, sans le chercher, sans y prétendre, malgré moi très-souvent et malgré Minerve, je me suis vue le centre d’un cercle choisi, d’un salon ; d’où vient cela ? Je vais tâcher de le démêler ; mais, disons d’abord un mot du salon en général.

Le salon était alors, il serait encore aujourd’hui, si les circonstances s’y prêtaient, l’ambition suprême de la Parisienne, la consolation de sa maturité, la gloire de sa vieillesse. Elle y visait alors de longue main. Elle y appliquait toute son intelligence, y sacrifiait tous ses autres goûts, ne se permettait plus, du moment qu’elle en avait conçu le dessein, aucune autre pensée ; ni distraction, ni attachement, ni maladie, ni tristesse. Elle n’était plus ni épouse, ni mère, ni amante que secondairement. Elle ne pouvait plus avoir en amitié qu’une préférence : la préférence pour l’homme le plus con-