Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/367

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voir, moi aussi, que le degré où je me trouve n’est pas fort surchargé de monde. Mon esprit n’est pas vulgaire. Il forme, avec mon imagination et mon sentiment, un tempérament singulier où se mêlent, où se combinent souvent d’une manière imprévue les qualités françaises et allemandes. La douceur est en moi, l’humeur égale et la bienveillance, avec une manière d’être, de penser, de dire, où se marque tout d’abord l’entière loyauté. De pédantisme, aucun ; de vanité, moins encore ; ni prétentions, ni affectations, ni impertinences d’aucune sorte. Une candeur qu’on peut dire extraordinaire, quand elle n’est pas l’effet de la jeunesse et survit au désabusement. Je puis être éloquente aussi, mais rarement, et seulement quand la passion m’enlève à moi-même. D’habitude, ma passion, quelle qu’elle soit, creuse au dedans ; elle se concentre ; elle ne luit que par éclairs, rapides et pâles ; elle se tait, dans la crainte de se trop livrer. Je dois paraître alors d’une froideur glaciale ; « six pouces de neige sur vingt pieds de lave » , a-t-on dit de moi, et non sans jus tesse. Si l’on ajoute à cette disposition passionnée, mais contenue, l’horreur du lieu commun avec l’impossibilité d’emprunter l’esprit d’autrui, on comprendra que ma conversation ne soit pas du tout ce qu’il faudrait pour remplir le vide d’un cercle et pour amuser un salon. J’ai pourtant le désir de plaire, mais seulement à qui me plaît, et encore pas à toute heure. Bien qu’une