Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/376

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nombres de l’escalier en pierre qui conduisait au premier étage d’un corps de logis isolé dans la cour du couvent de la rue de Sèvres, où logeait cette beauté merveilleuse, qui avait ébloui de son éclat plus d’un quart de siècle. Je la trouvai dans un salon assez grand et d’un aspect vieux, assise à l’angle de la cheminée, sur une causeuse en soie bleue qu’enveloppait un paravent de couleur grise. Elle se leva pour venir à ma rencontre et s’avança vers moi avec l’hésitation d’une personne dont la vue est obscurcie. Elle était svelte encore et d’une taille élevée. Elle portait une robe et un mantelet noirs ; son bonnet blanc, orné de rubans gris, encadrait son visage pâle, des traits fins, un tour en faux cluveux bruns, frisés à la mode ancienne. Sa physionomie était douce, sa voix aussi ; son accueil fort gracieux, quoique embarrassé. En murmurant quelques paroles confuses sur le plaisir de me voir, elle me faisait asseoir à ses côtés ; et tout en regardant vers M. Brifaut, comme pour chercher une contenance, elle entama l’entretien sur le sujet qui m’amenait. C’était un bien grand sujet, celui-là, dit-elle ; aucun critique n’y avait encore réussi complètement, pas même M. X. ; cela m’était réservé. Mon talent était à la hauteur d’un tel sujet. Ce talent était grand, bien grand ; M. Brifaut l’avait dit, et aussi M. Ballanche, et M. Ampère encore ; M. de Chateaubriand en avait parlé un jour. Elle avait depuis longtemps le désir de me connaître ; j’avais ap-