Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/382

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des parvenus, le milieu ne donnait plus cette fleur délicate des loisirs aristocratiques, sans laquelle point de compagnies exquises : la grande dame.

Ni la bourgeoisie privilégiée du règne de Louis-Philippe, ni la démocratie égalitaire qui, à partir de la république, envahit et absorbe chez nous toutes choses, n’avaient le secret, le don inné, qui avaient fait de la grande dame française, pendant deux siècles, la reine des élégances européennes.

Sous le règne de Louis-Philippe, la bourgeoisie parvenue l’imita, mais gauchement ; l’importation des habitudes anglo-américaines : le club, le sport, le cigare, la lionne, hâtèrent la déconvenue des salons. Sous l’empire, dans le bouleversement des traditions, dans la déroute de toutes les anciennes fiertés, la femme qu’on ne sait comment qualifier, la femme qu’on appelle du demi-monde entra brusquement en scène, avec fracas. Ce fut elle qui donna le ton ; et quel ton ! À la place des intimités discrètes et des fines galanteries, elle apporta une familiarité brusque et criarde ; à la place du langage choisi, un argot ; à la place des élégances, les tapages de la richesse ; à la place des raffinements de l’esprit, les grossièretés de la chair !

    Quant à l’impératrice Eugénie, elle avait dans sa tenue et dans sa conversation le mouvement et la familiarité des dames espagnoles, mais non du tout la manière d’être et de dire de la grande dame française