Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/383

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Quand un tel monde prendra fin, et il ne saurait durer si la décadence de l’esprit français n’est pas chose fatale, on sera stupéfait du néant qu’il laissera après lui. Les habitudes sérieuses d’une saine démocratie remplaceront un jour ces déviations, ces dérèglements de notre goût national ; elles seront à leur tour en honneur, je n’en fais pas doute ; mais les grâces de la vie aristocratique, l’élégance des châteaux et des salons ne refleuriront point, telles que je les ai vues.

La démocratie française, en eût-elle un jour le loisir, ne chercherait point à les retrouver. Dans notre pays, tout ce qui est du passé semble très-vite absurde ou ridicule. À nos générations révolutionnaires, les nobles traditions sont suspectes, la courtoisie semble une gène, la politesse une hypocrisie, l’influence des femmes dans un salon paraîtrait un renversement des lois. Le démocrate français honore, en principe et dans ses écrits, la mère et l’épouse, mais, en réalité, dans sa maison, il la veut subalterne, et sans autre contenance que celle de ménagère. La femme du démocrate ne sait à cette heure ni ce qu’elle pourrait ni ce qu’elle devrait être et vouloir.

Trop humble ou trop roide, trop soumise ou trop guindée, un peu apprêtée toujours, la bourgeoise n’a point encore l’allure simple et gracieuse que donne le sentiment héréditaire d’une valeur et d’une liberté incontestées. Il faudrait beaucoup de choses que l’on n’en-