Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/234

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Mon oncle Tobie avoit été témoin oculaire de cette action, et cela valoit bien mieux. — Il n’étoit jamais plus éloquent, plus exact, plus minutieux dans ses détails, que quand il en faisoit la relation. On dit que l’on exprime bien ce que l’on conçoit bien. C’étoit cependant là l’embarras de mon oncle Tobie. Un autre n’en eût peut être pas eu ; mais lui vouloit faire suivre à ses auditeurs les progrès de l’attaque, depuis le commencement jusqu’à la fin. Il étoit par conséquent obligé de leur parler de scarpe, de contr’escarpe, de glacis, de chemin couvert, de demi-lune, de ravelin, et c’étoit-là où il s’embrouilloit. Comment leur faire saisir la différence qu’il y avoit entre tous ces ouvrages ? La difficulté d’être intelligible et de leur donner des idées claires, lui causoit des peines inexprimables ; et si mon cher oncle Tobie ne murmuroit pas contre la pauvreté de la langue, il se faisoit au moins des reproches de ne pas la savoir assez bien.

Les amateurs qui en parlent, confondent souvent les termes eux-mêmes, et mon oncle Tobie ne devoit pas se fâcher si fort ; mais il auroit voulu ne point ennuyer ceux qui l’écoutoient.

Il est sûr qu’à moins qu’ils n’eussent beau-