Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celle qui tombe sur un baril de poudre ne fait pas une plus subite explosion. Tout-à-coup voilà mon oncle Tobie qui commence à soupirer après sa guérison, qui se plaint à mon père, qui querelle le chirurgien. — Il l’entend monter un matin ;… aussitôt il ferme ses livres, cache ses instrumens, et lui reproche avec aigreur la lenteur de son rétablissement. Combien y a-t-il que j’en devrais être quitte ! combien de douleurs ! quelle contrainte d’être obligé de garder ma chambre pendant quatre années entières ! Ah ! sans l’amitié du meilleur des frères, ajouta-t-il, sans le courage qu’il m’inspire, il y a longtemps que j’aurois succombé à mes malheurs.

Mon père étoit présent, et mon oncle mettoit tant d’énergie à ses plaintes, que mon père en versa des larmes. — C’est ce qu’on n’attendoit pas. Mon oncle Tobie n’étoit pas naturellement éloquent : cela n’en fit que plus d’effet. Le chirurgien en demeura confus. — Ce n’est pas que le malade n’eût bien raison de s’impatienter ; mais cette impatience étoit également inattendue. Il y avoit quatre ans que le chirurgien le soignoit, et jamais il ne lui étoit échappé, pendant ce temps, le moindre mécontentement : — il avoit toujours été la soumission et la patience même.