Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/363

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trouvé que tout homme vivant a deux ames. Le célèbre Métheglingius appelle l’une animus et l’autre anima. Mon père savoit, à une virgule près, tout ce que Borry avoit écrit là-dessus ; mais il n’avoit jamais pu goûter son opinion ; la seule idée le choquoit, le rebutoit. « Comment est-il possible, disoit-il, d’imaginer qu’un être aussi noble, aussi sublime, aussi intellectuel que l’anima ou même l’animus, ait pu choisir pour son domicile d’été et d’hiver une eau trouble ? Supposons même qu’elle soit claire, limpide. Croira-t-on davantage que l’Être tout-puissant l’ait ainsi condamnée à y nager sans cesse ?… » Mon père rejetoit loin de lui cette doctrine. Elle lui paroissoit folle, absurde, bête, imaginaire, etc..... Personne ne savoit mieux entasser que lui les synonymes de mépris, quand l’occasion s’en présentoit.

L’opinion qui lui paroissoit la plus probable, la moins susceptible de critique et d’objections, c’est que l’ame résidoit auprès de la moëlle alongée, medulla oblongata. Les anatomistes hollandois sont généralement d’opinion que tous les petits nerfs de nos organes y prennent naissance. Cela fortifioit mon père dans cette idée.

Mais jusques-là, il n’y avoit rien de sin-