Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de nourrice, mise en latin par quelque pédant, pour être chantée par quelque hypocrite, à la consolation de quelque libertin à l’agonie. Elle est, je l’avoue, en latin ; c’est une grande considération ; mais en anglais, c’est la plus foible et la plus futile proposition : Vous ne direz des morts que du bien. Pourquoi ? qui l’a dit ? ni la raison, ni l’écriture. Les auteurs sacrés ont fait tout autrement ; et le sens commun m’apprend que si l’on doit décrire les siècles et les hommes passés, ils faut les peindre comme ils ont existé, c’est-à-dire, avec leurs vertus et leurs foiblesses, et qu’il est de l’intérêt de la vertu que l’on ne défigure pas leurs traits. Les passions et les égaremens du cœur sont les marques distinctives du caractère des hommes ; et si je les peignois, j’omettrois aussi peu leurs fantaisies que leurs visages.

Si néanmoins on nous forçoit, pauvres diables de peintres, à nous conformer à ce canon, de mortuis, dont le son résonne comme quelque chose de pieux, si l’on nous obligeoit de prendre sur la même palette nos anges et nos diables, j’en conclus qu’il faudroit élever sur le même piédestal nos Sidenhams et nos Sangrados, nos Lucrèces et nos Messalines, nos Sommers et nos