Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/498

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qu’il n’étoit question que des cent premières guinées, il les faisoit voler sur la table avec cette agréable gaieté dont une ame généreuse est seule capable quand elle se défait de son argent… Mais il n’en étoit pas de même quand il entroit dans la cinquantaine extraordinaire qui excédoit et qui lui paroissoit exorbitante. Ses sourcils se fronçoient ; il se passoit le doigt sur le côté du nez : il sembloit que c’étoit-là où il se sentoit blessé. Il ne jetoit chaque nouvelle guinée qu’après l’avoir examinée des deux côtés, et c’étoit un travail si laborieux, qu’il alloit rarement jusqu’au bout sans être obligé de tirer son mouchoir de sa poche pour s’essuyer les tempes.

Préservez-moi, juste ciel, de ces esprits persécuteurs qui n’ont aucune indulgence pour les passions qui agissent en nous ! Jamais, oh ! non jamais, je ne me rangerai sous l’étendard de ceux qui ne peuvent détendre l’inflexibilité de leur caractère, et qui ne sentent aucune pitié pour la force de l’éducation, et pour les opinions qui prévalent sur les autres par l’habitude, ou parce qu’elles nous sont venues successivement de nos ancêtres…

Depuis trois générations au moins, un ressouvenir heureux de nez infiniment plus longs, avoit graduellement pris racine dans