Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/504

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

domaine si précieux ; il craignoit si vivement qu’on ne lui enlevât, qu’il faisoit des efforts continuels pour s’y défendre, pour s’y fortifier ; et il étoit toujours prêt à fondre sur ceux qui auraient osé entreprendre de l’attaquer.

Mais il éprouvoit un terrible obstacle dans cette circonstance-ci, pour rassembler les matériaux propres à sa défense, dans le cas de quelque vive attaque ; il y avoit un si petit nombre de génies qui eussent parlé du nez en bien ou en mal ! La chose est incroyable, et mon entendement se perd, se confond, quand je songe combien on a sacrifié de temps et des choses qui étoient infiniment moins importantes ; combien de millions de livres reliés, brochés, et de toutes sortes de types ont été fabriqués dans toutes les langues, sur des sujets moins utiles à la paix et au bonheur du genre humain.

Cependant ce qu’on pouvoit avoir de livres en ce genre, mon père l’avoit ; et quoiqu’il badinât souvent de la bibliothèque de mon oncle Tobie, qui, pour le dire en passant, étoit assez ridicule, la sienne ne l’étoit guère moins, ou l’étoit peut-être encore plus. — Il avoit soigneusement recueilli tous les livres, tous les traités, tous les fragmens, tous les systèmes que l’on avoit écrits sur ce qui,