Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/505

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depuis trois ou quatre générations, faisoit le désespoir de la famille, après avoir fait sa gloire. Enfin, il étoit aussi riche en livres de cette espèce, que mon oncle l’étoit en architecture militaire.



CHAPITRE LIX.

On n’est pas toujours en faveur.


La collection de mon père n’étoit pas nombreuse ; mais en revanche elle étoit très-curieuse. C’est annoncer qu’il avoit mis beaucoup de temps à la faire, et qu’il y avoit employé beaucoup d’argent. — Le hasard lui avoit pourtant fait trouver de temps en temps quelques bons marchés. Celui dont il s’applaudissoit le plus, étoit de s’être procuré presque pour rien le fameux soliloque de Bruscambille sur les longs nez. Il ne lui en avoit coûté que trois guinées, et il n’y avoit pas alors trois soliloques de Bruscambille dans toute la chrétienté. — Mon père jeta les trois guinées sur le comptoir du libraire, avec la promptitude d’un homme qui croit avoir fait la meilleure emplette possible. Il serra le livre dans son sein, et ne fit qu’une course de chez le libraire chez lui, pour y déposer un trésor aussi précieux :