Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/51

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gne français qui ne le fasse. Si nous ne sommes pas de grande conséquence pour l’univers, nous le sommes certainement pour nous-mêmes. Nous sentons toute notre importance, et il est bien naturel d’exprimer ce que l’on sent.

Pour embellir mon ouvrage, je croquai le portrait de mon oncle ; il étoit assez piquant et assez vrai pour plaire ; mais, comme je le montrai à quelques-uns de mes amis, ils me réprimandèrent. Les prêtres, me disoient-ils, ont, Dieu le sait, assez d’ennemis, sans se meurtrir ainsi entre eux.

Personne ne souffre plus patiemment une mercuriale, et accueille moins le ressentiment que moi. Mon naturel n’est pas haineux, mon sang est paisible, et se fige à l’aspect du mal. J’avois oublié depuis long-temps mon oncle, et je ne fus plus tenté de le produire sur la scène.

Je changeai au contraire de projet, et je suppléai le vide de mon personnage dramatique par un oncle Tobie, enfant de mon imagination, bien différent de mon bénéficier, et tel que vous le connoissez.

Je m’étois marié long-temps avant cette époque ; ...... mais le papier est discret ; et le lecteur modeste (je n’en veux point