Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/56

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supériorité de talens ; ils croient que je l’ai acquise par l’étude et la résolution, combinées avec les avantages naturels d’une grande capacité et d’un grand esprit.

Je ne voudrois pas qu’ils le crussent ; d’abord, parce que cela n’est pas vrai, et ensuite, parce qu’une telle prévention peut détourner les hommes de parvenir à une excellence de caractère aussi heureuse et aussi aisée.

J’ai été, comme les autres, malade jusqu’à vingt-deux ans ; je ressentois la peine et la douleur, et je les supportois aussi naturellement que le froid et le chaud, la soif et la faim. Je réfléchissois un matin dans mon lit, car j’ai toujours aimé les réflexions, et mon esprit travailloit sur la fatalité et le poids des infirmités de tous les genres, dont il repassoit le catalogue ; il contemploit, d’un autre côté, la supériorité des anciens philosophes dans les épreuves qu’ils avoient à subir.

J’admirois, j’enviois cette heureuse situation d’un esprit qui sait se posséder ; à l’instant la lumière m’éclaira, je fis craquer mes doigts, et moi aussi, m’écriai-je, je suis philosophe ! Je me levai aussitôt, pour