Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/58

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cru. Quand on demanda à Socrate, avant son supplice, pourquoi il ne se préparoit pas à ce fatal passage, il répondit avec noblesse : je n’ai fait que cela toute ma vie.

Celui qui diffère le grand œuvre de son salut jusqu’à ce dernier moment, pousse le temps jusqu’à ce qu’il ait atteint le crépuscule de cette nuit éternelle, auquel il perd la lumière. La contrition de l’agonie peut être comparée à l’exclamation de Vanini, qui, ayant été athée pendant toute sa vie, appela machinalement Dieu au milieu des flammes de son bûcher.

Une attaque d’apoplexie nous privera-t-elle donc du bienfait de l’éternité ? cela est possible, si la crainte seule appelle le repentir. La vie n’est pourtant qu’un badinage, c’est une épigramme dont la mort est la pointe.

À ces mots, ma servante gagna le coin de ma chambre, et s’y mit en prières.


SUR LA MÉLANCOLIE.


Comme le plaisir est le seul plan de ma vie, je me donne quelquefois la douce, la tendre jouissance de la mélancolie, je pleure avec délices. Mes larmes ne tombent pas une