Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/59

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à une et à regret ; mais, comme mes aumônes, elles se répandent abondamment et avec joie.

Si je pouvois être reproduit, je déclare ici solennellement que je me départirais plutôt des muscles du rire que de ceux des larmes. La sympathie est l’aimant de la vie, et je suis plutôt en harmonie avec l’homme malheureux, qu’avec celui à qui tout prospère.

Je me régale toutes les fois que cela me plaît. Combien d’amis j’ai perdus ! pauvre le Fevre ! infortunée Marie ! ma chère, ma toujours chère Elisa ! oui, j’évoque vos mânes, des profondeurs de la mort ; je les serre sur mon cœur, et je les y trouve toujours.

Celui qui peut lire sans pleurer la touchante prosopopée dans laquelle Samson déplore la perte de ses yeux, est plus malade que moi, car son cœur est pétrifié. Milton l’écrivit d’après ses sentimens, et sa cécité ternit et humecte souvent les regards que je fixe sur son livre.

Mais si je veux me donner une superbe fête de mélancolie, luxe inconnu aux ames vulgaires, je prends la vie de Thomas Morus, et je m’arrête à ce passage dans lequel mistriss Ropert, sa fille, le trouve retournant à la