Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/79

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LA MÉDISANCE.


Les véhicules avec lesquels on prépare le poison mortel de la médisance sont innombrables. Il est délayé par des mains si adroites, il est versé d’une manière si aimable et si naturelle, qu’on ne peut le découvrir que par ses effets.

Combien de fois a-t-on disposé de l’intégrité et de la probité d’un homme par un souris ou un mouvement des épaules ? combien de bonnes et de généreuses actions n’ont-elles pas été ensevelies dans l’oubli par un regard artificieusement distrait ? ou flétries d’un motif intéressé et vil, par un chuchotement mystérieux ?

Entrez dans ces sociétés, dont le titre pompeux de bonne compagnie, devroit faire proscrire tout ce qui est mauvais ; vous ne serez pas plus satisfait d’elles. Là, vous verrez arracher sans cesse, quoique de loin, et sans malice, à la chasteté quelques-uns de ses attributs : un signe de tête en renversera quelqu’autre ; et bientôt un clin d’œil, dirigé par l’envie de quelques personnes, qui ne se seront jamais refusées à la tentation, finira l’œuvre de la suspicion. Là, vous verrez