Page:Sterne - Œuvres complètes, t1-2, 1803, Bastien.djvu/82

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La langue est une arme, sans doute, qui châtie les dépravations sur lesquelles les lois se taisent : elle retient dans leur devoir ceux que leur conscience n’y renfermeroit jamais ; et lorsque le vice est public, il semble que la médisance ne peut pas rester au nombre des prohibitions. C’est un hommage à rendre à la vertu, et un acte de justice indispensable, que d’exposer à la vue des hommes le vice peint de ses propres couleurs, ainsi que d’exalter les louanges que mérite l’honnêteté. Si, par hasard, la punition infligée à l’homme vicieux est sévère ou même intéressée, ce cas arrive si rarement, qu’on ne petit en faire une exception.

Eh bien ! malgré les objections que me feront les vrais patrons de la cause de la vertu, je leur recommanderai sans cesse de lui donner d’autres preuves de leur zèle. Quand leur devoir semble leur prescrire d’établir une distinction entre le bien et le mal, que leurs actions parlent, et non leurs langues, ou que du moins elles parlent unanimement le même langage. Nous déclamons si haut contre les vicieux, nos cris se réunissent tellement contr’eux, qu’un homme sans expérience, qui s’en rapporteroit seulement à ses oreilles, s’imagineroit que le genre humain a formé