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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/178

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LES TROIS VÉRITÉS.

NE TE MÊLE JAMAIS DES AFFAIRES QUI NE TE REGARDENT PAS.

Si ma femme était ici, pensa Jean Lafortune en se dirigeant vers l’écurie, elle dirait bien que je ne suis pas fin comme de la soie, et ma foi ! je crois qu’elle aurait raison.

Au bout de la troisième année, Jean aborda le vieillard bien décidé à prendre son argent et à laisser de côté la vérité, s’il s’avisait de lui en offrir une nouvelle en guise de paiement, mais le discours que lui tint le bonhomme fut tellement sensé, tellement convaincant qu’il accepta encore les mêmes conditions.

REMETS TOUJOURS TA COLÈRE AU LENDEMAIN, mon garçon, fit le vieillard en replaçant dans son tiroir les piles d’écus qui resplendissaient sur le tapis vert de son pupitre.

Mille bateaux ! monsieur, exclama cette fois Jean Lafortune avec des larmes dans la voix, je crois bien que je vais vous laisser. Voilà trois ans que je vous sers et vous ne me payez qu’en vérités. Quand bien même j’aurais un minot de cette graine-là, ça ne me donnerait pas une poche de blé. Je sais bien que ça me rendrait plus savant que je le suis, mais j’en saurai toujours assez long pour mon état. Si c’était un effet de votre bonté de me laisser partir, je vous en serais bien reconnaissant.

— Comme tu voudras, mon garçon, reprit le vieillard, tu m’as toujours bien servi, tu accepteras ceci en cadeau, et en même temps le vieillard donna à Jean quelque argent pour faire sa route, et une tourtière grosse comme un pain de dix livres.