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Page:Stevens - Contes populaires, 1867.djvu/191

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Il y avait déjà longtemps que je marchais devant moi (suivant toujours le « vieux chemin, » comme Jean Lafortune,) et respirant à pleins poumons cet air pur et embaumé qu’on ne respire qu’à la campagne, lorsque je crus m’apercevoir qu’il allait pleuvoir.

De gros vilains nuages noirs couvraient petit-à-petit ce beau ciel bleu qui souriait à mon départ ; le soleil qui apparemment n’aime pas les nuages, achevait de voiler sa face éblouissante et ne jetait plus, que de temps à autre, sur cette belle nature, quelques pâles rayons tristes comme l’adieu d’un mourant.

En même temps un vent furieux venu du nord et soufflant par rafales soulevait toute la poussière de la route en tourbillons épais.

Sans être augure ou astronome, je conclus que la tempête n’était pas loin et que le plus prudent était de s’en retourner. Mais à peine avais-je fait quelques cents pas dans la direction de l’embarcadère qu’un nuage qui semblait danser au-dessus de ma tête creva tout-à-coup, et des gouttes de pluie larges comme des écus mêlées à des grêlons se mirent à tomber en crépitant sur la poussière du chemin, faiblement d’abord, puis avec violence et par torrents, comme si toutes les cataractes du ciel se fussent ouvertes.

En un clin d’œil j’avais gravi les trois ou quatre marches formant le perron d’une ferme qui se trouvait à ma gauche, et sans perdre de temps à frapper, j’entrai par la porte de devant, tandis que les gens de la maison rentraient par la porte de derrière.

Après nous être salués, de part et d’autre, avec cette satisfaction que l’on éprouve, tout en étant mouillé, de ne pas l’avoir été davantage, j’allai droit à un brave homme d’une quarantaine d’années qui me paraissait le chef de la famille, et lui demandai, en le saluant, la permission « d’allumer. »