Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/101

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Il prit sur l’étagère un autre gobelet, et alors, à ma grande surprise, au lieu de tirer un peu plus de bière, il y versa exactement la moitié de ce que contenait le premier.

Il y avait dans cet acte une sorte de noblesse qui m’ôta la respiration ; si mon oncle était avare, comme la chose était évidente, il avait du moins cette haute éducation qui rend un vice presque respectable.

Quand nous eûmes terminé notre repas, mon oncle ouvrit un tiroir qui fermait à clef, et en tira une pipe en terre et une poignée de tabac, sur laquelle il préleva de quoi la bourrer, puis il remit le reste dans le tiroir et le referma.

Alors il s’assit au soleil près d’une des fenêtres, et se mit à fumer en silence.

De temps à autre il lançait de mon côté des regards explorateurs ou me faisait brusquement une de ses questions.

Tantôt c’était :

— Et votre mère ?

Et quand je lui eus répondu qu’elle aussi était morte, il disait :

— Ah ! c’était une brave fille !

Et après un autre long silence :

— Quels étaient ces amis dont vous parliez ?

Je lui dis que c’étaient quelques gentlemen qui portaient le nom de Campbell.

À la vérité il n’y en avait qu’un, — et c’était le ministre, — qui eût jamais fait quelque attention à moi, mais je commençais à croire que mon oncle en prenait trop à son aise avec ma situation, et comme je me trouvais seul avec lui, je ne voulais pas lui laisser supposer que je n’avais à compter sur personne.

Il paraissait tourner et retourner cela dans son esprit, et alors :