Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/14

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sonner avec un camarade en mangeant des boutons d’or ; ils jouaient aux marins naufragés sur une île déserte et contraints de se nourrir de baies et de fruits. Sans cesse, il chassait les antilopes et les blauboks, avec un fusil de panoplie, dans le jardin de la manse de Colinton, au bord de la Water of Leith. Le monde lui semblait immense, la solitude sans fin.

Le monde est si grand, si grand, s’écriait-il, et je suis si petit. Je le déteste, je le déteste !

Exclamation de désespoir candide que la mère notait dans le journal où elle inscrivait tous les mots mémorables de l’enfant gâté !

Le soir, il jouait près d’elle aux soldats de plomb, livrant des batailles de Waterloo ou de l’Alma et assiégeant Sébastopol. Le jour, tante Jane le poursuivait avec ses confitures, ses biscuits, ses gelées de viande destinés à renforcer son enfance maladive. Stevenson était sujet, par tare héréditaire, aux affections bronchitales et nerveuses de la mère. À huit ans, une fièvre gastrique mit ses jours en danger, mais déjà il savait lire et pendant sa convalescence, réduit aux seules distractions de la maison, il gravit, avec l’émotion qui convenait, l’escalier qui menait à l’endroit redoutable entre tous, au saint des saints, la bibliothèque de son père.


La bibliothèque de mon père, rapporte-t-il, était un endroit assez austère : des comptes rendus de sociétés savantes, de la théologie latine, des encyclopédies, de la physique et principalement des livres sur l’optique occupaient la