Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/155

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À la fin, nous fûmes entraînés si loin vers le sud, que nous ne fîmes que louvoyer, aller et venir pendant le neuvième jour, en vue du cap de la Fureur et de la côte sauvage, rocheuse, dont il est flanqué à droite et à gauche.

Alors les officiers tinrent conseil, et il me parut qu’ils avaient pris quelque décision que je ne comprenais pas.

Je n’en vis que le résultat, savoir : que nous avions fait d’un vent défavorable un vent favorable, et que nous voguions tout droit vers le Sud.

Dans l’après-midi du deuxième jour, il y eut une abatée de houle et un brouillard épais, humide, blanc, tel que d’un bout du brick on ne voyait pas l’autre.

Pendant tout l’après-midi, quand j’allais sur le pont, je vis les hommes et les officiers prêtant l’oreille attentivement par-dessus les bordages, « à cause des brisants », disaient-ils, et bien que je ne comprisse pas grand’chose à ce mot, je sentais du danger dans l’air et j’étais fort ému.

Il pouvait être à peu près dix heures du soir, et je servais le souper de M. Riach et du capitaine quand le vaisseau heurta bruyamment contre quelque chose, et nous entendîmes des voix qui appelaient.

Mes deux maîtres se levèrent d’un bond.

— Il a donné contre un récif, dit M. Riach.

— Non, monsieur, dit le capitaine. Nous avons coulé un bateau, voilà tout.

Et ils se hâtèrent de sortir.

C’était le capitaine qui avait raison.

Dans le brouillard, nous avions coulé un bateau. Nous l’avions coupé en deux, et il avait sombré aussitôt avec tout son équipage, à l’exception d’un homme.

Cet homme, comme je l’appris plus tard, se trouvait