Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/251

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— Non, répondis-je sans relever ma tête enfouie dans la bruyère, non, je ne suis plus fatigué et je peux parler. Vous et moi, Alan, nous devons nous séparer. Je vous aimais pourtant bien, mais vos façons ne sont pas les miennes, elles ne viennent pas de Dieu. Bref, en deux mots comme en cent, il faut que nous nous quittions.

— Je ne vous quitterai pas, répondit Alan avec une parfaite gravité, sans une bonne raison. Si vous connaissez quelque chose contre ma réputation, c’est bien le moins que vous me le fassiez savoir, à titre de vieille connaissance ; et si vous êtes simplement dégoûté de ma société, ce sera à moi de juger si je ne suis pas insulté.

— Alan ! dis-je, qu’est-ce que cela signifie ? Vous savez bien qu’il y a là-bas, sur la route, du sang de ce Campbell.

Il resta un instant silencieux, puis il reprit :

— Avez-vous jamais entendu conter l’histoire de l’homme et des bonnes gens.

Par ces mots il désignait les fées.

— Non, répondis-je, et je ne tiens pas à en entendre parler.

— Avec votre permission, dit Alan, monsieur Balfour, je vous en parlerai quand même.

« Vous saurez donc que cet homme avait été jeté sur un rocher de la mer, où, paraît-il, les bonnes gens avaient l’habitude de s’arrêter et de prendre quelque repos pendant la traversée en Irlande. Ce rocher s’appelle Skeryvore, et il n’est pas loin de l’endroit où nous avons fait naufrage.

« Bon ! à ce qu’il paraît, l’homme pleura si pitoyablement, gémissant qu’il voudrait bien voir son petit enfant avant de mourir, qu’enfin le roi des bonnes gens eut compassion de lui, et envoya quelqu’un qui vola