Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/75

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— Je ne suis qu’un pauvre Samoan, un ignorant, dit-il en s’accroupissant près du corps et en entonnant une sorte de Vocero ; d’autres sont riches, ils peuvent donner à Tusitala en présents d’adieu de riches nattes. Je suis pauvre, et je ne puis rien donner en ce dernier jour où il reçoit ses amis. Cependant, je ne crains point de venir regarder pour la dernière fois la face de mon ami, que je ne verrai plus jusqu’au jour où nous nous retrouverons devant Dieu ! Voyez : Tusitala est mort. Mataafa aussi nous est mort. Ces deux grands amis ont été pris par Dieu. Quand Mataafa fut enlevé, que restait-il pour nous venir en aide, si ce n’est Tusitala ? Nous étions en prison, et il s’occupait de nous. Nous étions malades et il nous ramenait à la santé. Nous étions affamés, et il nous donnait à manger. Le jour n’était pas plus long que ses bienfaits. Vous êtes de grands personnages et pleins d’affection. Pourtant lequel d’entre vous est plus grand que Tusitala ? Qu’est votre amour à côté de l’amour qu’avait Tusitala ? Notre clan était le clan de Tusitala, et c’est pour lui que je parle aujourd’hui ; Tusitala en faisait partie aussi, nous les pleurons l’un et l’autre.

Toute la matinée, les Samoans arrivèrent par bandes, apportant des fleurs. À une heure, ils prirent le corps et le portèrent à la place choisie par Stevenson pour y dormir son dernier sommeil et pour lequel il avait lui-même préparé son épitaphe.