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LA PALANQUE

Je me figurai qu’il pensait à un bombardement de fortin.

— J’y ai songé, répliquai-je. Mais ils ne pourront jamais amener le canon à terre, et même s’ils y parvenaient, ils seraient incapables de le haler à travers bois.

— Regardez en arrière, docteur, reprit le capitaine. Horreur ! Nous avions totalement oublié la caronade de neuf. Autour de la pièce, les cinq bandits s’affairaient à lui enlever son paletot, comme ils appelaient le grossier étui de toile goudronnée qui la revêtait d’ordinaire. Et, au même instant, je me ressouvins que les boulets et la poudre à canon étaient restés à bord, et d’un coup de hache mettrait le tout à la disposition des scélérats.

— Israël a été canonnier de Flint, dit Gray d’une voix rauque.

À tout risque, nous tînmes le cap du canot droit sur le débarcadère. Nous avions alors suffisamment échappé au fort du courant pour pouvoir gouverner, même à notre allure de nage obligatoirement lente, et je réussis à nous diriger vers le but. Mais le pis était qu’avec la route ainsi tenue, nous présentions à l’Hispaniola notre flanc au lieu de notre arrière, ce qui offrait une cible comme une grand-porte.

Je pus non seulement voir mais entendre Israël Hands jeter un boulet rond sur le pont.

— Qui de vous deux est le meilleur tireur ? demanda le capitaine.

— M. Trelawney, sans conteste, répondis-je.

— Monsieur Trelawney, reprit le capitaine, voudriez-vous avoir l’obligeance de m’attraper un de ces hommes ? Hands, si possible.

Avec une impassibilité d’airain, Trelawney vérifia l’amorce de son fusil.