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L’ÎLE AU TRÉSOR

Mais comme sans nul doute on ne me permettrait pas de quitter l’enclos, mon seul moyen était de prendre congé « à la française[1] », et de profiter pour partir d’un moment où personne ne me verrait ; et c’était là une manière d’agir si fâcheuse qu’elle rendait la chose coupable radicalement. Mais je n’étais qu’un gamin, et je n’en démordis pas.

Justement, les circonstances me fournirent une occasion admirable. Le chevalier était occupé avec Gray à renouveler les pansements du capitaine : la voie était libre. Je filai comme un trait, franchis la palanque et m’enfonçai au plus épais des arbres. Quand mes compagnons s’aperçurent de mon absence, j’étais déjà loin.

Ce fut là ma seconde folie, bien pire que la première, car je ne laissais que deux hommes valides pour garder le fortin ; mais, comme la première, elle contribua à notre salut commun.

Je me dirigeai droit vers la côte est de l’île, car j’avais résolu de longer la langue de sable par le côté de la mer, pour éviter toute chance d’être aperçu du mouillage. Bien que le soleil fût encore chaud, il était déjà tard dans l’après-midi. Tout en me glissant parmi la futaie, j’entendais au loin devant moi le tonnerre continuel des brisants ; en outre, un bruissement de feuillage et des grincements de branches caractéristiques m’annonçaient que la brise de mer s’était levée plus forte qu’à l’ordinaire. Bientôt des bouffées d’air frais arrivèrent jusqu’à moi, et quelques pas plus loin, j’atteignis la lisière du bois et vis la mer qui s’étalait bleue et ensoleillée jusqu’à l’horizon, et le ressac qui déferlait, écumant tout le long de la côte.

Je n’ai jamais vu la mer paisible autour de l’Île au

  1. Un Français dirait : « à l’anglaise. »