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LE CAPITAINE SILVER

et lui réglerons son compte, bien sûr, pour toutes ses gentillesses.

Rien d’étonnant si les hommes étaient à présent de bonne humeur. Pour ma part, j’étais horriblement abattu. Si le plan qu’il venait d’esquisser devenait réalisable, Silver, déjà doublement traître, n’hésiterait pas à l’adopter. Il avait encore un pied dans chaque camp, et il n’y avait pas de doute qu’il ne préférât le parti des pirates, avec la richesse et la liberté, au nôtre, où il n’avait rien à attendre de plus que de simplement échapper à la corde.

Et même si la force des choses l’obligeait à tenir sa parole envers le docteur Livesey, même alors, dis-je, quel danger nous attendait ! Quel moment ce serait lorsque les soupçons de ses partisans se changeraient en certitude, et que lui et moi nous aurions à défendre nos vies — lui un estropié et moi un enfant — contre cinq matelots robustes et alertes.

Qu’on ajoute à cette double crainte le mystère qui enveloppait encore la conduite de mes amis : leur abandon inexpliqué de la palanque ; l’inexplicable remise de la carte avec, plus incompréhensible encore, le dernier avertissement du docteur Livesey à Silver : « Veillez au grain quand vous le trouverez », et l’on concevra aisément que je déjeunai sans goût et que je me mis en marche avec un serrement de cœur derrière mes geôliers partis à la conquête du trésor.

Nous devions offrir un curieux spectacle : tous en sales habits de marins, et tous, sauf moi, armés jusqu’aux dents. Silver portait deux fusils en bandoulière, un devant et un derrière, outre un grand coutelas à la ceinture, et un pistolet dans chaque poche de son habit à pans carrés. Pour compléter ce singulier équipage, Capitaine Flint se tenait perché