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L’ÎLE AU TRÉSOR

— Si, si, répondit Morgan, je me souviens de lui ; il me devait des sous, et en débarquant il m’a emporté mon couteau.

— En parlant de couteaux, dit un autre, pourquoi ne trouvons-nous pas le sien à terre ici autour ? Flint n’était pas homme à vider les poches d’un marin ; et les oiseaux, je suppose, ne l’ont pas emporté.

— Par tous les diables, voilà qui est vrai ! fit Silver.

— Il ne reste absolument rien, dit Merry, qui tâtait toujours le sol aux environs des os, pas plus un rouge liard qu’une tabatière. Ça ne me paraît pas naturel.

— Parbleu non, ça n’est pas naturel, renchérit Silver, pas plus que ça n’est gentil, certes. Tonnerre de Dieu ! les gars, si seulement Flint était là en vie, ça chaufferait pour vous et moi. Ils étaient six, tout comme nous, et il ne reste d’eux que des os.

— Je l’ai vu mort, de mes deux yeux, dit Morgan. Billy m’a fait entrer. Il était là couché, avec des pièces de deux sous sur les yeux.

— Mort, oui, bien sûr qu’il est mort et parti là-dessous, fit l’individu au bandage ; mais s’il y a des esprits qui reviennent, celui de Flint doit être du nombre. Car, miséricorde, il a eu une vilaine mort, Flint.

— Pour ça, oui, affirma un autre ; tantôt il délirait, tantôt il hurlait pour avoir du rhum, ou bien il chantait Nous étions quinze… C’était son unique chanson, camarades ; et je vous assure, je n’ai plus jamais beaucoup aimé l’entendre, depuis. Comme il faisait une chaleur formidable, le vasistas était ouvert, et j’entendais cette vieille chanson qui sortait nette et claire, tandis que la mort avait déjà le grappin sur lui.