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L’ÎLE AU TRÉSOR

Enfin, voyant que le navire poursuivait sa course rapide et allait arriver hors de portée de la voix, l’un d’eux — j’ignore lequel — sauta sur ses pieds avec un cri sauvage, épaula vivement son mousquet, et une balle vint siffler par-dessus la tête de Silver et transpercer la grand-voile.

Après cela, nous nous tînmes à l’abri des bastingages, et lorsque je regardai de nouveau, ils avaient disparu de la pointe, qui déjà se perdait dans l’éloignement. C’en était du moins fini avec eux ; et avant midi, à ma joie indicible, le plus haut sommet de l’île au trésor s’était enfoncé sous le cercle bleu de l’horizon marin.

Nous étions si à court d’hommes que tout le monde à bord devait travailler, à l’exception du capitaine qui donnait ses ordres couché à l’arrière sur un matelas ; car, malgré les progrès de sa guérison, il avait encore besoin de repos. Comme nous ne pouvions sans un nouvel équipage tenter le voyage de retour, nous mîmes le cap sur le port le plus prochain de l’Amérique espagnole. Quand nous y atteignîmes, après des vents contraires et quelques violentes brises, nous étions déjà tous à bout de forces.

Ce fut au coucher du soleil que nous jetâmes l’ancre au fond d’un très beau golfe abrité, où nous fûmes aussitôt entourés par des embarcations pleines de nègres, d’Indiens du Mexique, de mulâtres, qui vendaient des fruits et des légumes, ou offraient de plonger pour une pièce de monnaie. La vue de tant de visages épanouis — et en particulier des noirs — la saveur des fruits tropicaux, et surtout les lumières qui s’allumaient dans la ville, formaient un contraste enchanteur avec notre séjour sur l’île, sinistre et sanglant. Le docteur et le chevalier, me prenant avec eux, s’en allèrent