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LE VIEUX FLIBUSTIER

restions persuadés qu’il avait reçu un coup mortel dans sa lutte avec l’étranger. À tout hasard, je pris le verre de rhum et tentai de lui en introduire un peu dans le gosier ; mais il avait les dents étroitement serrées et les mâchoires contractées comme un étau. Ce fut pour nous une vraie délivrance de voir la porte s’ouvrir et livrer passage au docteur Livesey, venu pour visiter mon père.

— Oh ! docteur ! criâmes-nous, que faire ? Où est-il blessé ?

— Lui, blessé ? Taratata ! fit le docteur. Pas plus blessé que vous ni moi. Cet homme vient d’avoir une attaque d’apoplexie, comme je le lui avais prédit. Allons, madame Hawkins, remontez vite auprès de votre mari, et autant que possible ne lui parlez de rien. De mon côté, je dois faire de mon mieux pour sauver la vie trois fois indigne de ce misérable, et pour cela Jim ici présent va m’apporter une cuvette.

Quand je rentrai avec la cuvette, le docteur avait déjà retroussé la manche du capitaine et mis à nu son gros bras musculeux. Il était couvert de tatouages : « Bon vent » et « Billy Bones s’en fiche » se lisaient fort nettement sur l’avant-bras ; et plus haut vers l’épaule on voyait le dessin d’une potence avec son pendu — dessin exécuté à mon sens avec beaucoup de verve.

— Prophétique ! fit le docteur, en touchant du doigt ce croquis. Et maintenant, maître Billy Bones, si c’est bien là votre nom, nous allons voir un peu la couleur de votre sang… Jim, avez-vous peur du sang ?

— Non, monsieur.

— Bon. Alors, tenez la cuvette.

Et là-dessus il prit sa lancette et ouvrit la veine.

Il fallut tirer beaucoup de sang au capitaine avant