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DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

— Je m’aperçois que tu as changé de note au sujet de Séraphine, dit Othon.

— Changé de note ! s’écria le docteur enthousiasmé. Bah ! Quand donc ai-je parlé autrement ? Ma foi, j’avoue que je l’ai admirée, au Conseil. Quand elle était assise là, frappant du pied, je l’admirais comme j’admirerais un ouragan. Si j’étais de ceux qui osent s’aventurer dans le mariage, c’eût été là un prix capable de me tenter. Elle attire, comme le Mexique attirait Cortez… L’entreprise est ardue, les naturels sont hostiles, cruels aussi, je crois… mais la capitale est pavée d’or, la brise y souffle du paradis. Oui… je saurais désirer pareille conquête. Mais courtiser une Rosen ? Jamais !… Les sens ? Je les renie. Qu’est-ce ? Un prurit. La curiosité ? alors passe-moi mon manuel d’anatomie.

— Mais, à qui dis-tu tout cela ? Toi, entre tous les hommes, tu dois bien savoir comme j’aime ma femme.

— Oh ! l’amour ! fit Gotthold. C’est un grand mot, l’amour. On le trouve dans les dictionnaires. Si tu l’avais aimée, elle t’aurait payé de la même monnaie. Qu’est-ce qu’elle demande ? Un peu d’ardeur !

— Il est difficile d’aimer pour deux, répondit le prince.

— Difficile ? Eh ! voilà la pierre de touche ! Oh ! je connais mes poètes, s’écria le docteur. Nous ne sommes que feu et poussière, trop arides pour supporter les brûlures de la vie… l’amour, comme l’ombre d’un haut rocher, devait prêter sa fraîcheur, son repos, non seulement à l’amant mais à