Page:Stevenson - Le Roman du prince Othon.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
199
DE L’AMOUR ET DE LA POLITIQUE

pas profiter de ma bonne volonté, aidez-moi de votre côté : aussitôt que vous serez prêt, rendez-vous vers le Mercure volant, où nous nous rencontrâmes la nuit dernière. Cela ne gâtera rien pour vous, et, à parler franchement, cela sera plus commode pour nous.

— Mais certainement, chère Madame, dit Othon. Étant si parfaitement préparé au mal principal, je n’irai pas chercher querelle aux affaires de détail. Allez donc, avec ma reconnaissance la plus profonde, et aussitôt que j’aurai écrit quelques lignes pour prendre congé, je m’empresserai d’aller au rendez-vous. Ce soir je ne rencontrerai certes pas un cavalier aussi dangereux, ajouta-t-il avec un sourire de galanterie.

Aussitôt madame de Rosen partie, il en appela fortement à son sang-froid. C’était une misérable impasse, et il voulait, si faire se pouvait, s’y conduire avec quelque dignité. Pour ce qui touchait au fait capital, il ne se sentait aucune hésitation, aucune crainte. Il était sorti, après sa conversation avec Gotthold, si désolé, si cruellement humilié, qu’il accueillait presque avec soulagement l’idée de la prison : c’était là du moins une démarche qu’il semblait impossible à personne de blâmer. C’était aussi une issue à ses difficultés. Il s’assit pour écrire à Séraphine, et soudain son courroux se ralluma. La somme de ses tolérances se montait, à ses yeux, à quelque chose de monstrueux. Plus monstrueux encore lui apparaissaient l’égoïsme, la froideur, la cruauté, qui avaient nécessité cette tolérance et la reconnaissaient de la sorte. La plume qu’il avait prise lui